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Les coulisses du convoyage d’un Neel 43 : le récit captivant de Benoît, skipper pro

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Les coulisses du convoyage d’un Neel 43 : le récit captivant de Benoît, skipper pro

Benoît C., skipper professionnel et habitué de la plateforme Capt’n Boat a réalisé le convoyage d’un trimaran Neel 43 de La Rochelle à Pula en Croatie.

Il nous partage son quotidien lors de cette mission à travers son journal de bord.

Préparation en amont de la mission, analyse météo, et itinéraire choisi, Benoit nous explique tout de ce convoyage. 👇

La mission de convoyage

La mission de Benoît et son second pour ce convoyage, était d’acheminer un Neel 43 neuf jusqu’en Croatie dans un temps imparti.

Cette tâche nécessitait donc un grand professionnalisme et une technique précise pour manœuvrer un bateau de ce volume. Le but étant évidemment de livrer un bateau aussi neuf que possible malgré une traversée de plusieurs jours.

La société Trimaran Yacht Charter a donc fait appel à Capt’n Boat pour trouver un équipage suffisamment expérimenté pour accomplir ce convoyage.

C’est Benoît, skipper professionnel depuis 2006, qui a répondu à l’appel. Avec 3 transatlantiques, de nombreuses navigations en Méditerranée et une bonne connaissance des catamarans de 60 pieds, Benoît était le candidat idéal.

Avant le départ

« Nous sommes le lundi 13 mars 2023, je me rends au chantier à La Rochelle, port de départ du convoyage. Je rejoins Emmanuelle de la société Trimaran Yacht Charter, et Louis, commercial du chantier Neel; qui me font une présentation générale du bateau et de son équipement : cale machine spacieuse, circuits électriques, d’eau et de carburant clairs, ordonnés et identifiés … le rêve pour un capitaine !

Nous profitons d’une accalmie pour aller faire le plein de gasoil et effectuer une première prise en main du bateau : un Neel 43.

Bien que la taille et le volume du bateau puissent donner l’impression d’un potentiel fardage¹ conséquent, le moteur Volvo Penta de 50 CV et le propulseur d’étrave assurent des manœuvres fluides et aisées.

L’avitaillement est réalisé : le réfrigérateur permet d’embarquer pour une quinzaine de jours de frais et de surgelé. Je décide de ne pas m’encombrer de packs d’eau grâce au réservoir d’eau en aluminium présent à bord.

Mardi 14 mars : Arrivée de Johan, mon second pour ce convoyage; un marin avec lequel j’ai déjà fait une transat retour il y a un peu moins d’un an. Je laisse Johan découvrir le bateau et se familiariser avec l’ensemble; puis préparation du bateau, matossage² de l’équipement présent à bord, préparation de la route et étude de la météo.

Nous décidons alors d’un départ mercredi 15 mars au matin avec un courant de marée favorable, un vent et une mer qui s’apaisent et seront plus propices à la prise en main d’un nouveau bateau que les conditions du jour qui sont un peu musclées dans le golfe de Gascogne. »

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Le convoyage La Rochelle jusqu'à Pula

1. La Rochelle - Porto de Cariño

« Nous larguons les amarres ce mercredi 15 mars à 10h00, direction Porto de Cariño en Espagne. Cette première étape nous fait parcourir environ 320 Nm jusqu’au vendredi 17 mars 09h00. 

Travers au vent, grand voile (GV) haute, et Génois en grand, dans un 3 à 4 sur l’échelle de Beaufort³ (BF) : petite et jolie brise ; avec quelques rafales à 5…  les conditions idéales pour une belle prise en main du Neel 43. Une mer à 3 sur l’échelle de Douglas⁴  (DGL) : peu agitée ; donne une vitesse de fond parfaite de 7 nœuds. Au fil des quarts (de 5 heures) le vent et la mer décroissent jusqu’à nécessiter le démarrage du moteur jeudi 16 mars à 10h00. 

Avec 2000 tour / minute et un vent résiduel nous atteignons une vitesse de 6,5  nœuds. 

Au niveau de Gijón (Espagne), le vent de Sud-Ouest prend le relais, permet l’arrêt du moteur, puis au fil des quarts nous permet de nous familiariser avec les prises de ris⁵ . L’usage de la trinquette⁶  permet un près très honorable pour un multicoque avec une vitesse de de 9 à 10 nœuds dans une mer pas encore levée, et dans un 5 à 6 BF, sous GV 2 ris et trinquette.

À 9h00, ce même vent nous ferme la porte de La Corogne et nous mouillons dans la rade de Cariño pour attendre un vent plus favorable et passer le cap de Fisterra (En livraison de bateau neuf, on ne force pas !). »

Les choix de navigation stratégiques pour un convoyage

🤓 Pourquoi utiliser si souvent le moteur et respecter strictement les consignes de réduction de voilure ? 

Le moteur est souvent utilisé sur des convoyages pour une raison simple : on livre un bateau, on ne fait pas du tourisme. Donc bien sûr, on hisse les voiles si cela nous permet d’aller dans la bonne direction et à la bonne vitesse ; sinon l’aide du moteur ou son usage seul n’est pas un tabou.

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En ce qui concerne la réduction de voilure : on parle ici d’un multicoque dont la voilure ne s’efface pas sous les risées. Si on ne veut pas solliciter inutilement le gréement et la structure du bateau afin de livrer un bateau aussi neuf que possible, le respect des préconisations du chantier est impératif. 

2. De la Rade de Cariño au Port de Péniche

« Nous repartons le samedi 18 mars à 09h00 vers le port de Péniche au Portugal, soit une distance d’environ 300 Nm. 

GV 1 ris, Génois à 80% dans un 4 à 5 BF et des rafales à 6 de vent Ouest / Nord-Ouest nous permettent un près (très) serré que j’aide avec un moteur à 1800 tours / min jusqu’au Cabo Prior.

Il faut alors passer Muxia et Fisterra au plus vite pour éviter d’avoir à descendre toute la péninsule Ibérique au moteur dans la pétole⁷. Malgré nos efforts et nos prières, le vent commence à tomber au large de Vigo et la pétole s’abat sur nous devant Porto. Le moteur prend le relais d’abord en soutien, puis en solo…

L’arrêt à Péniche n’était pas prévu, mais j’ai toujours une confiance très relative dans les jauges de carburants, fussent-elles électroniques et neuves. Nous marquons donc l’arrêt à la station pour un plein complet (1,658€ / litre). Cela me permet de calculer une consommation moyenne inférieure à 3,4 litres / heure; et de constater que les jauges sont très pessimistes; deux informations utiles pour la suite des opérations.

Départ immédiat pour Cascais. »

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Itinéraire du skipper professionnel Benoît pour un convoyage La Rochelle, France - Pula, Croatie

3. Péniche - Cascais

« Le lundi 20 mars de 9h00 à 17h00, nous parcourons ~45 Nm de Péniche jusqu’à Cascais (Portugal). 

Que du bonheur ! On se taquine un peu avec quelques voiliers et un catamaran et on affale à contrecœur devant les digues. Mais l’arrêt à Cascais est obligatoire pour la première révision moteur (Wavetech qui fait Yamaha et Volvo). Dommage ! La brise était parfaite … »

4. Cascais - Barbate

« Du mardi 21 mars à 13h00 au jeudi 23 mars 4h00, nous abattons ~270 Nm de Cascais (Portugal) à Barbate (Espagne). Une bonne brise puis un vent frais et une mer peu agitée à agitée nous permettent de faire des quarts de 30 à 40 Nm.

19h00 on passe Sines et à 5h00 Vila do Bispo, ensuite c’est tout droit jusqu’à Barbate mais le vent et la mer tombe donc nous sommes obligés de recourir au moteur à 1800 tours / min. Nous arrivons à 5h00 dans un port de pêche assez vilain où un pêcheur bienveillant nous indique le ponton gasoil où nous attendons l’ouverture (8h00 et 1,66€) cela me permet de constater qu’à 1800 tours / min le petit 50 CV se contente de 3 l/h, troisième information utile. 

Mouillage dans le sable devant le port et … attente. »

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Pourquoi cette attente à Barbate avant de passer le détroit de Gibraltar ?

L’attente, car devant nous se trouve Gibraltar. 

Gibraltar c’est très simple, il n’y a que deux règles pour les petits navires (tout le monde le sait, quand on fait le chèque, le bateau est grand, mais quand on passe Gib’, il est petit … 😉 ) :

  • On ne passe qu’avec le courant de marée,
  • On ne passe qu’avec le vent, sinon, on attend.

D’autre part, depuis le confinement et la quasi absence de trafic pendant quelques mois, une petite harde d’orques a choisi la zone comme lieu de vie ! Mais, les jeunes de cette charmante bande ont pris l’habitude de jouer avec les safrans des petites embarcations… sauf que peu de safrans leur résistent…

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Pinger

Pour éviter d’avoir à payer un remorquage et les réparations, on peut mettre à l’eau, dans le sillage, un des dispositifs que les pêcheurs utilisent pour éloigner les mammifères marins de leurs filets : un Pinger. Ces dispositifs sont en vente dans toutes les coopératives de pêcheurs et chez certains Shipchandlers (dont Pochon). Ce sont simplement des répulsifs sonores inoffensifs dont la portée est limitée à quelques dizaines de mètres. 

5. Barbate - San Vito

« Traversée Barbate (Portugal) – San Vito (Sicile) du jeudi 23 mars 13h00 au mercredi 29 mars 15h00, ~950 Nm.

Départ à 13h20 pour une pleine mer à 16h20 et un passage du rocher de Gibraltar prévue à 19h20, nous partons au moteur avec un petit vent d’Est résiduel et un reste de courant contraire qui l’un comme l’autre disparaissent assez rapidement. Nous passons Tarifa à 16h20 (pas d’orques en vue, est-ce le Pinger ou la chance ?). 

Grâce à un vent 3 à 4 BF, et un courant plus favorable que prévu, nous passons le rocher de Gibraltar à 18h30. »

« Avoir fait le plein à Barbate nous évite de perdre une demi-journée pour aller chercher du carburant à Gibraltar, d’autant qu’il n’y est plus détaxé.

Nous tirons des bords de largues⁸ dans le courant et passons Cabo de Gata près d’Almeria le vendredi à 16h00. Je choisis de longer la côte Espagnole jusqu’à Cartagena, pour pouvoir charger une dernière météo avant la traversée jusqu’à la Sardaigne. D’autre part, monter un peu au Nord nous met dans une route qui sera bien orientée pour profiter pleinement de la fin de l’épisode de Mistral et de Tramontane qui s’annonce dans le Golfe du Lion. Pari gagnant !

Mis à part samedi 25 entre 1h00 à 21h00 ou nous sommes poussés dans une légère brise (1 à 2 BF), nous traversons confortablement avec un vent du Nord de force entre 3 et 7 BF et une mer 3/4 arrière : que du plaisir ! À partir de 5 BF, la trinquette remplace très avantageusement le génois et équilibre parfaitement les 1 ou 2 ris de la GV.

Mon coéquipier et moi (qui sommes familiers avec les multicoques de croisière) sommes unanimes : le NEEL 43 dépasse largement nos attentes et tient toutes ses promesses !

Le mardi 28 mars, dans une brise poussive, nous longeons le sud Sardaigne pour rafraîchir les fichiers météo et continuons sur la Sicile. Nous reprenons rapidement le vent dans la mer Tyrrhénienne, pour arriver le mercredi 29 mars à 15h00 dans la marina de Capo San Vito.

Là nous réalisons le triptyque : gasoil, avitaillement et repos (plus la vérification coque, fonds, moteur, gréement etc …). »

 

6. San Vito - Luka

« Du jeudi 30 mars à 10h00 au lundi 3 avril 14h00 nous parcourons ~580 Nm de San Vito en Sicile à Vela Luka en Croatie.

Nous quittons San Vito dans une très légère à légère brise toutes voiles hautes et un moteur à 1800 tours/min et nous ne pourrons l’arrêter qu’à la sortie du détroit de Messine vendredi 31 dans la soirée. En mer Ionienne, en longeant la semelle de la botte Italienne, nous traversons quelques couloirs où un vent frais, voir grand frais, nous oblige à ariser⁹

Nous traversons l’Adriatique rapidement pour être au plus près des côtes Croates avant le début de l’épisode de Bora (épisode de vent descendant du Nord-Est) annoncé pour lundi matin. Nous sommes devant Dubrovnik lorsque la Bora se lève. Nous longeons les îles au plus près pour ne pas subir une mer cassante dans un 6 à 7 BF. Lorsque nous longeons l’île de Korcula, le vent monte 7 à 8 BF, je ne conserve que la trinquette et à 14h00, je décide de nous mettre à l’abri dans la marina de Vela Luka et d’y attendre des conditions plus favorables. »

La pêche : la bonne astuce pour avoir de la protéine​

Pour les amateurs, la pêche est une solution idéale à bord pour se nourrir de protéine fraîche, et pour le plaisir de ce loisir aussi !

On ne peche que ce que l’on consomme et on rentre la ligne la nuit ou si la vitesse est trop élevée pour pouvoir remonter la prise en sécurité.

La pêche à la traîne reste la technique la plus simple mais elle est possible uniquement avec une vitesse réduite (3 nœuds). 

 

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7. Vela Luka - Pula : la dernière ligne droite

« Nous partons le mardi 4 avril à 11h00, direction le port d’arrivée : Pula en Croatie à 180 Nm de Vela Luka; où nous arrivons le lendemain matin mercredi 5 avril à 10h00.

Nous quittons Vela Luka dans un vent frais (6 BF). Nous nous amusons en taquinant quelques voiliers qui suivent le même trajet que nous jusqu’à Stupin, puis nous poursuivons en solitaire jusqu’au canal d’Unije. En moins de 24h00 nous passerons plusieurs fois d’un vent de 7 BF à un calme plat … mise à part la température de 4°, cela me rappelle ma Tramontane natale. 

Je décide de remonter le canal d’Unije, pour traverser le dernier couloir de vent au largue et de réduire ainsi le vent apparent que devra subir le gréement. Pour la première fois le pilote est un peu dépassé par l’état de la mer et nous barrons jusqu’à Pula. 

Au fond de la marina Verdura les rafales atteignent encore 25 nœuds mais avec l’aide du propulseur d’étrave, l’amarrage cul à quai se passe sans incidents. Paolo, le chef de base pour Trimaran Yacht Charter, nous accueille chaleureusement et choisit de nous laisser souffler un peu et de dessaler le bateau avant de faire sa visite de contrôle. Une fois le bateau contrôlé, je contacte Emmanuelle de Trimaran Yacht Charter pour l’informer de notre fin de mission. »

Vous avez un besoin de convoyage ?

Que ce soit pour une livraison de bateau, un déplacement vers un chantier ou une nouvelle zone de navigation, faites appel à un équipage Capt’n Boat pour convoyer votre bateau par la mer !

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